[Repost] Nigéria, l'angoisse des écoliers
- Mathilde R
- 13 mars 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 sept. 2024
"Bring back our girls”
C’est le nom d’un mouvement créé à la suite du kidnapping de 276 lycéennes en Avril 2014 dans la région du Chibok au Nord-est du Nigeria. 7 ans plus tard, 197 jeunes filles sont toujours portées disparues. Ce premier enlèvement de masse est à l’époque revendiqué par le leader du groupe djihadiste, Abubakar Shekau, agissant pour le compte de Boko Haram. Un terroriste également à l’origine, plus récemment en Décembre 2020, du rapt de Katsina où environ 340 adolescents ont disparu, enlevés en plein milieu de la nuit par des hommes lourdement armés. Dès lors, les attaques contre les écoles se sont multipliées et rapprochées, de sorte que l’on décompte aujourd’hui 4 rapts dans la seule région du Nord-Ouest du Nigeria en l’espace de trois mois.
Le Vendredi 26 Février 2021, dans le lycée public pour filles de la ville de Jangebe, Etat de Zamfara, au Nord-Ouest du Nigeria, ce sont plus de 300 adolescentes qui sont enlevées. Elles ne seront libérées que six jours plus tard, globalement saines et sauves bien qu'ayant marché pieds nus plusieurs heures, seules une dizaine d'entre elles seront hospitalisées suite à des blessures aux pieds. Le 2 Mars elles sont libérées, les victimes sont alors immédiatement reçues par le gouverneur de l’Etat de Zamfara lors d'une grande cérémonie. Une action politique, qui, sans prendre en compte l’angoisse des familles, a une nouvelle fois suscité une colère vive chez les parents des victimes. En effet, parmi l’ensemble des pensionnaires de l’établissement, 55 adolescentes ont réussi à échapper à leurs ravisseurs, elles devaient être recensées et interrogées par le service local de sécurité, les parents, furieux, avaient saccagé portes et fenêtres, refusant catégoriquement de laisser leurs filles dans une zone qu'ils jugeaient trop dangereuse. Une colère qui résulte d’un sentiment d’insécurité profonde et qui a également poussé les villageois à s’en prendre, à coup de pierres, au convoi du ministre local des Affaires intérieures et d’un responsable de la sécurité, en visite dans le lycée sinistré.
Dans une région où 80% de la population est en situation d’extrême pauvreté et où le taux de scolarisation est bien en-dessous de la moyenne, la déscolarisation massive, motivée par l'angoisse du rapt, ne fait qu’accroître le nombre de mariages précoces, amplifier les mauvaises conditions de travail des filles et augmenter le nombre de jeunes garçons qui travaillent en usine. Une dynamique régressive qui ne fait qu'ancrer le Nord-Ouest dans une pauvreté toujours plus profonde.
Le commerce de l’enlèvement
Après les attaques de bus scolaires sur les grands axes routiers, les “bandits”, soit des rassemblement de criminels armés, regroupant d'une dizaine à une centaine de combattants. Des groupes bien organisés qui agissent à la manière des djihadistes, mais qui, à la différence de ces derniers, n'auraient aucune motivation d'ordre idéologique. On estime aujourd’hui à 40 le nombre de camps dans lesquels ils s’abritent et se cachent dans la seule région du Zamfara, une menace réelle tant pour les écoliers que pour l’ensemble des habitants de la région.
Le gouvernement nigérien refuse toute intervention militaire, et préfère échanger l’amnistie des incriminés contre leur reddition et la libération des victimes. Ainsi, les kidnappeurs, en plus d’obtenir une rançon de la part des familles en échange de leur enfant, ne se voient pas inquiétés par le gouvernement en place. Le marché du rapt devient par conséquent très attractif pour des jeunes hommes en quête d’un moyen de subsistance ou de reconnaissance. Dès lors, le gouvernement participe à l'entretien de ce marché cruel en rendant l'enlèvement très lucratif pour un coût peu élevé. Rappelons également que, le jour de l’enlèvement des 297 adolescentes, le gouvernement n’avait fait aucune déclaration officielle à ce sujet.
Un gouvernement passif
Face à l’insécurité grandissante et au besoin urgent de reprendre le contrôle de la région, les autorités du Zamfara ont engagé depuis plus d’un an des négociations avec les criminels qui persécutent les habitants. Si ces mêmes autorités nient avoir accédé aux demandes de rançons des ravisseurs, les experts en sécurité doutent de cette affirmation, car elles n’engagent pas pour autant d’intervention militarisée pour démanteler le réseau qui commence à se stabiliser. Les mouvements terroristes du Nord-Est s’étendent de plus en plus vers le Nord-Ouest, et les “bandits” du Zamfara tissent progressivement des alliances avec les réseaux djihadistes voisins.
Ce 2 Mars 2021, lors de la libération des 297 jeunes filles enlevées le 26 Février dernier, les experts évoquent le suivi dans la réhabilitation dont les jeunes victimes auront besoin et dénoncent également l’absence d’une enquête efficace lors de l’enlèvement de Katsina. Le Président du Sénat, Ahmad Lawan réclame la "sécurisation des écoles", devenues des cibles faciles. Il évoque également la nécessité de “rechercher au plus profond de notre âme comment la nation en est arrivée à ce point de désolation.”
Quelques informations complémentaires :
Ahmad Lawan : Président du Sénat nigérien est un membre du parti progressiste nigérien.
Boko Haram : Groupe sunnite pour la prédication et le djihad, Boko haram est un mouvement terroriste et djihadiste crée en 2002 par le prédicateur Mohammed Yusuf (qui meurt lors d'une insurrection armée en 2009). Ce groupe prône l'islamisme radical, condamne et rejette toute influence occidentale. Lorsqu'Abubakar Shekau prend sa tête en 2010, le mouvement change de peau pour devenir un groupe armé dont les idées se rapprochent de celles d'Al-Qaïda et de l'Etat islamique. A partir d'Août 2016, Boko Haram se divise, Abubakar Shekau, écarté par l'Etat islamique pour "extrémisme", reprend le nom initial de "Groupe sunnite pour la prédication et le djihad" mais conserve son rattachement à l'Etat islamique.
Rappel
Cet article est le résultat d’un travail amateur de documentation, il ne peut donc pas être considéré comme une source fiable à 100%. Il s’agit d’un travail de synthèse sur les recherches que j’ai pu effectuer à titre personnel et n’aborde le sujet des enlèvements au Nigéria que de manière succincte, je vous invite à consulter d’autres articles comme ceux mentionnés ci-dessous pour compléter vos connaissances.
Cet article a été rédigé durant mon année de Terminale soit en 2021
Sources :
Crédit photo : AFP
コメント